Le 29 janvier, l’Assistance publique – Hôpitaux de Marseille (AP-HM) annonce le démarrage des essais cliniques d’un vaccin thérapeutique contre le VIH. Concrétisant les travaux du DrErwann Loret, ces tests seront supervisés par le DrIsabelle Ravaux, du service des maladies infectieuses de l’hôpital de la Conception (AP-HM). Elle détaille à Doctissimo les espoirs autour de ce vaccin curatif “Tat Oyi“.
Mis au point par une équipe française, un vaccin thérapeutique contre le sida va être testé à Marseille.
Doctissimo : Quelle est le principe du vaccin que vous allez tester ?Dr Isabelle Ravaux : On a observé chez les personnes infectées par le VIH la présence d’une protéine Tat produite par le VIH. Cette protéine intervient dans les mécanismes de réplication du virus mais aussi au niveau extracellulaire en “trompant“ le système immunitaire. Elle va d’une part empêcher les cellules tueuses de se lancer à l’attaque du VIH et d’autre part, elle agit sur les lymphocytes B en réduisant la production d’anticorps contre le VIH.En neutralisant la protéine Tat chez une personne séropositive, on espère restaurer son immunité et bloquer le développement de la maladie. Pour cela, il faut pouvoir déclencher une production d’anticorps anti-Tat suffisante. Doctissimo : Comment réussir à induire cette réponse immunitaire ?Dr Isabelle Ravaux : Le choix du candidat vaccin est le fruit du travail d’Erwann Loret, chercheur au CNRS. Au sein d’une cohorte de patients africains n’ayant pas développé la maladie (des patients dits
HIV controllers), il a découvert dès 1996 que la seule anomalie du virus appelée Oyi était sa protéine Tat. Chez ces patients, elle n’était pas fonctionnelle et offrait aux patients une certaine protection vis-à-vis du VIH.L’idée d’utiliser cette protéine “Tat Oty“ comme candidat vaccin s’est naturellement imposée. La même équipe a réussi à synthétiser cette protéine. Le vaccin “Tat Oty“ a démontré dans des expériences in vitro et in vivo sur l’animal (notamment sur des macaques) une bonne efficacité, dont les résultats ont fait l’objet de publications dans de grandes revues scientifiques. L’étape suivante est l’expérimentation chez l’homme, pour laquelle nous avons reçu le feu vert de l’Agence nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) le 24 janvier 2013. Doctissimo : Comment vont se dérouler les essais cliniques pour ce vaccin ?Dr Isabelle Ravaux : Les essais cliniques se dérouleront au centre d’investigation clinique (CIC) plurithématique 9502 de l’AP-HM. Notre protocole de recherche biomédicale EVA TAT se divise en deux phases.Dans un premier temps, 48 patients traités par trithérapie avec une charge virale indétectable seront réparties en 4 groupes. Trois recevront une dose Tat Oyi différente pour chaque groupe. Le dernier recevra un placebo. La vaccination consiste en trois injections intradermiques espacées d’un mois (à la surface de la peau sans pénétrer le tissu musculaire ou vasculaire). Le traitement sera arrêté deux mois afin d’évaluer le temps durant lequel la charge virale reste indétectable chez les patients. Le recrutement des patients commence dès février 2013. Ces essais de phase I/IIa ont pour but de valider le principe d’une telle vaccination (conduit-elle à la production d’anticorps anti-TAT ?) ; vérifier l’innocuité de ces injections transdermiques chez l’homme et de valider la dose optimale, celle qui induit la meilleure réponse immunitaire. Les résultats de cette phase seront effectués en décembre 2013.En cas de succès (allongement du temps de contrôle de la charge virale statistiquement significatif sans traitement), 80 patients seront recrutés dès janvier 2014 pour la phase IIb, qui devra démontrer l’efficacité du vaccin. La moitié des patients recevra la dose optimale du vaccin et l’autre moitié un placebo. Les résultats seront analysés en mars 2015 et devraient être publiés autour de juin 2015.Tous ces essais se font “en double aveugle“, c’est-à-dire que ni le prescripteur ni le patient ne savent si la seringue utilisée contient le vaccin ou le placebo (il s’agit de la méthode permettant de garantir les résultats des tests en écartant les effets psychologiques de l’injection). Doctissimo : Quels sont les bénéfices attendus pour ce vaccin thérapeutique ?Dr Isabelle Ravaux : Le premier bénéfice escompté par ce vaccin serait de pouvoir remplacer la trithérapie, qui n’est pas dénuée d’effets secondaires… ou du moins de pouvoir s’en passer pendant un certain temps.On sait qu’on va avoir du mal à disposer de nouvelles classes d’antirétroviraux dans les 20 prochaines années – on améliore le confort de prise du traitement, en réduisant le nombre de comprimés notamment, mais les laboratoires investissent aujourd’hui moins dans la recherche sur le sida. Il est donc important de trouver de nouvelles stratégies pour mettre en échec le VIH capable de développer des résistances aux traitements.Demain, une combinaison vaccinale pourrait prendre le relais des trithérapies et peut-être agir sur les réservoirs de virus (ces endroits où le virus est à l’abri des traitements actuels). Doctissimo : Après des années de faux espoirs, les vaccins (plus particulièrement les vaccins thérapeutiques) semblent connaître un nouvel élan. Comment expliquer cette situation ?Dr Isabelle Ravaux : Les vaccins thérapeutiques visent aujourd’hui à stimuler ou “éduquer“ le système immunitaire pour qu’il lutte contre le VIH. La stratégie ne consiste plus à cibler des protéines de surface du virus, dont on sait aujourd’hui qu’elles sont trop changeantes pour induire une réponse immunitaire efficace. Les
derniers résultats encourageants concernant les vaccins thérapeutiques explorent cette voie, tout comme le seul
cas de guérison connu d’un patient séropositif. Pour cela, il faut pouvoir trouver « le truc » le plus conservé par les deux types de virus du sida – VIH-1 et VIH-2 – la cible qui ne va pas facilement muter. L’objectif est d’obtenir une réponse immunitaire efficace et durable. C’est notre espoir avec la protéine Tat. Doctissimo : Comment ont été financées ses recherches ?Dr Isabelle Ravaux : Les phases de recherche fondamentale ont été financées par l’Agence nationale de recherche contre le sida (ANRS). Un protocole de recherche a ensuite été déposé auprès de l’agence, qui ne l’a pas retenu comme prioritaire.Pour financer ces recherches, il a donc fallu effectuer une levée de fond, c’est dans ce but que la société de biotechnologie BIOSANTECH a été créée. Il s’agit donc de fonds privé mais cette recherche n’aurait pu se faire sans le soutien d’acteurs publics : l’université d’Aix-Marseille et le CNRS qui ont permis au Dr Loret de poursuivre ses recherches et l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille et la SATT Sud Est qui permettent la réalisation des essais cliniques.Propos recueillis par David Bême, le 29 janvier 2013Photo : ©Alexander Raths/Shutterstock.comClick Here: cheap all stars rugby jersey