Moins de fumette mais plus d'alcool

Les jeunes fument moins mais boivent plus… A 17-18 ans, un garçon sur cinq consomme régulièrement de l’alcool ! A l’heure où la loi Evin est menacée, nous faisons le point sur ce problème de santé publique avec le Dr Benoit Fleury, vice-président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie.

Comme chaque année, l’Observatoire français desdrogues et des toxicomanies (Ofdt) diffusent les résultatsdes questionnaires anonymes remis aux jeunes, garçons etfilles, lors de la journée d’appel et de préparationà la défense.Recul constant du tabagismeCette nouvelle version de l’enquête Escapad 2003 (1) permetde confirmer certaines tendances déjàobservées entre 2000 et 2002. Parmi celles-ci, la baisse dutabagisme initiée depuis plusieurs années seconfirme. Alors que 40,2 % des filles fumaient quotidiennement en2000, elles ne sont “plus que“ 37,2 % en 2003. Même tendancechez les garçons, où l’on passe de 41,9 % de fumeursen 2000 à 38,1 % en 2003.Seul bémol, si le tabac a moins la cote, chez les fumeursquotidiens la consommation est plus importante. Les jeunes les plusdépendants (plus de 10 cigarettes par jour) y consacrentprès de la moitié de leur budget…L’Ofdt rappelle que ces reculs ont été mesurésquelques mois après la hausse des prix du tabac de janvier2003. Une augmentation qui a donc vraisemblablement portéses fruits. De même, la loi interdisant la vente des paquetsde moins de 20 cigarettes et la vente aux moins de 16 ans ainsi quela deuxième vague d’augmentation du tabac en octobre 2003devraient encore modifier les comportements. Mais l’impact de cesdernières mesures n’a pour l’instant pas pu êtremesuré.Stabilisation de la fumette…Si le tabac est moins à la mode, le cannabis a encore sesadeptes : un tiers des ados déclarent en avoirconsommé au cours du dernier mois et sonexpérimentation continue à progresser. Plus d’unjeune de 17 ans sur deux a essayé en 2003 alors qu’ilsn’étaient que 45,5 % en 2000.Mais l’examen attentif des chiffres rend les experts optimistes.Bien que la tendance soit des plus timides, la comparaison avec lesannées 2002 et 2003 fait apparaître une poursuitetrès légère de la hausse chez les filles, maisaussi une très légère baisse chez lesgarçons. C’est la première fois qu’un tassementapparaît en France alors que la hausse était continuedepuis le début des années 1990. Enfin, l’usagerégulier de cannabis se situe aujourd’hui au niveau del’année 2000. “Il y a donc ici des signes de ralentissementde la diffusion de l’usage, voire de son inversion dans lapopulation adolescente, signes qu’il conviendra de confirmer lorsdes enquêtes ultérieures“ précise ainsi lerapport de l’Ofdt. Pour prolonger ou renforcer cetteévolution, une campagne de prévention devraitêtre engagée en 2005 par la Missioninterministérielle de lutte contre les drogues et lestoxicomanies (Mildt).L’alcool, premier psychotrope chez les jeunesS’ils fument moins, les jeunes ont tendance à plus lever lecoude… A 17-18 ans, l’alcool est de très loin le produitpsychoactif le plus consommé. Son usage récent,c’est-à-dire au cours du dernier mois, concerne 8 jeunes sur10 (76,2 % des filles et 84,2 % des garçons).Si l’expérimentation de l’ivresse ou des moments d’ivresses(dix par an) est stable, la consommation régulière debières et/ou d’alcools forts est en hausse. 7,5 % des jeunesfilles et 21,2 % sont des buveurs réguliers…Selon le Dr Benoit Fleury, médecin alcoologue au CHU deBordeaux et vice-président de l’Association nationale deprévention en alcoologie et addictologie “Ces chiffresconfortent ce que nous voyons sur le terrain : des situationsd’alcoolisation de plus en plus préoccupantes et des parentsparfois désemparés. Pour agir efficacement etprécocement, dès l’adolescence, la préventiondevrait bénéficier de moyens plus importants.Actuellement, les 10 millions d’euros consacrés à ceproblème sont totalement insuffisants“.Alors que la lutte contre le tabagisme et le cannabis fontl’unanimité, la lutte contre la consommation dangereused’alcool se heurte à plusieurs ennemis…La loi Evin menacéeD’une part, les industriels redoublent de ruses pour séduireles jeunes consommateurs. Apparus dans les années 1990, lespremix ou alcopops – des cocktails très sucrésgénéralement à base de vodka, de rhum ou detequila – sont de plus en plus consommés par les ados. LaFrance a récemment augmenté les taxes sur cesproduits dans le cadre de la loi de santé publique du 31juillet 2004. Pour le Dr Benoit Fleury, “l’efficacité decette mesure reste insuffisante et l’Anpaa demande l’interdictionpure et simple de ces produits spécialement destinésaux jeunes. La lutte contre ces consommations excessives doits’intégrer dans une approche globale de santépublique. On sait par exemple que les accidents de la route,souvent directement liés à l’alcool, constituent chezles jeunes l’une des premières causes demortalité“.D’autre part, le lobby des producteurs viticoles redouble d’effortpour protéger leur production de toute “attaque sanitaire“,quitte à mélanger allègrement approximationset contre-vérités. La remise du livre blanc “Vin etsanté“ remis au Premier ministre fin juillet 2004 attaquaitnotamment la loi Evin du 10 janvier 1991, en demandant d’autoriserla publicité collective pour cette boisson et deconsidérer le vin comme “un aliment qui apporte un bienfaitau plan nutritif“ (2). Des propositions qui avaient soulevéun tollé de la part des associations de lutte contrel’alcoolisme (3) et de l’Académie de médecine(4).Malgré ces réactions, le Sénat y prêtaitune oreille attentive et ajoutait au projet de loi relatif audéveloppement des territoires ruraux un amendementpermettant de libéraliser les règles sur lesmodalités de communication du vin. Depuis le 7 octobre 2004,les députés examinent ce texte. Sans attendre,l’Anpaa, la Société Française d’Alcoologie(SFA) et la Fédération Françaised’Addictologie (FFA) ont mis en garde le Premier Ministre de “latentation, pour donner satisfaction au lobby de la viticulture, dene voir dans l’amendement qu’un simple aménagement techniquesans danger alors qu’il s’agit au contraire de vider la loi Evin detoute sa substance“. Par ailleurs, ces associations ontdiffusé aux députés un dossier leur exposantles véritables enjeux de cet amendement (5).Par ailleurs, les associations rappellent qu’au titre des 100objectifs de la loi de santé publique, le gouvernement s’estengagé à diminuer la consommation annuelle moyenned’alcool par habitant de 20 % d’ici à 2008, àréduire l’usage à risque ou nocif de l’alcool età prévenir l’installation de la dépendance.Une acceptation de l’amendement sénatorial n’irait pasvraiment dans le bon sens…“Face au tabagisme, l’engagement des pouvoirs publics aprouvé qu’une réelle volonté politiquepermettait d’agir efficacement. Pour l’alcool, on peut penser quele poids et l’influence du lobby viticole expliquent lafrilosité actuelle du gouvernement. A l’heure où laloi Evin est menacée, les parlementaires devrontdécider si oui ou non ils décident d’ouvrir la boitede Pandore au mépris de réels enjeux de santépublique“ conclut le Dr Benoit Fleury.David Bême1 – Drogues à l’adolescence – Niveaux et contextes d’usagedu cannabis, alcool, tabac et autres drogues à 17-18 ans enFrance – ESCAPAD 2003. François Beck, StéphaneLegleye, Stanislas Spilka2 – Livre blanc “Vin et santé“ remis le 24 juillet 2004 auPremier ministre par le Pr. Paul-Henri Cugnenc, qui avaitété signataire en mars 2004 d’une proposition de loivisant à exclure le vin des mesures restrictives enmatière de publicité de la loi Evin3 – Communiqué conjoint de l’Association nationale deprévention en alcoologie et addictologie et de laFédération française d’addictologie du 22juillet 20044 – communiqué adopté le 15 juin 2004 – Motifsd’inquiétude quant à d’éventuellesmodifications législatives concernant les boissonsalcooliques. – R. Nordmann au nom de la commission v del’Académie nationale de médecine5 – Dossier de presse de l’Anpaa, copie de la lettre envoyéeau Premier Ministre datée du 28 septembre, Dossier LivreBlanc Vin et Loi Evin – A.N.P.A.A. – SFA – FFAClick Here: camiseta rosario central